samedi 27 février 2010

L'Eloge du Négatif, des débuts en Italie à Gustave Le Gray et Martin Becka

Le Petit Palais,  musée des beaux-arts de la Ville de Paris, présente jusqu'au 2 mai les premières utilisations du négatif et les débuts de la photographie sur papier en Italie (1840-1862) : l'exposition montre comment l'image est devenue reproductible et comment la photographie est devenue un art à part entière.

Giacomo Caneva La pinède de Castel Fusano



© FratelliAlinari

En 1839 naît à Paris le daguerréotype qui permet d'enregistrer la lumière sur une plaque de cuivre pour produire une image unique. Quelques jours plus tard, Henry Fox Talbot présente à Londres sa technique du négatif papier, qu'il appelle calotype, du grec kalos, qui veut dire beau : avec le négatif papier, pour la première fois, l'image devient reproductible. En appliquant de la cire sur le papier, on le rend translucide. Une fois exposé à la lumière, on peut s'en servir comme d'un calque.

Alphonse Davanne Naples, Piazza del Plebiscito
© FratelliAlinari
Les débuts sont artisanaux mais le procédé s'améliore et se développe rapidement. Il séduit quelques voyageurs éclairés et gagne l'Italie qui est alors le lieu où se forment les artistes européens. Des cercles artistiques se créent : à Rome dans les années 1850 les adeptes se réunissent Via dei Condotti au Caffè Greco par exemple. 

Les premiers photographes s'intéressent au paysage, à l'architecture, mais aussi à l'actualité comme l'épopée de Garibaldi que suivent des Français dont Alexandre Dumas et Gustave Le Gray. Le Gray qui n'est qu'évoqué dans l'exposition, est l'un des derniers à utiliser le négatif papier. Ses célèbres vues de Cette et de la Méditerranée sont des tirages extrêmement travaillés comme le montre cette video de la Bibliothèque Nationale de France


Le négatif verre remplace le négatif papier dans les années 1860 : il autorise une mécanisation des tirages ce qui permet l'essor de l'édition et de l'industrie photographiques. 

En 1852 les frères Alinari ont fondé à Florence ce qui est aujourd'hui la plus ancienne firme photographique du monde : elle possède 3 millions et demi d'images d'archives ; elle a créé un musée et une fondation, à l'origine de l'exposition du Petit Palais avec l'aide d'Anne Cartier-Bresson, directrice de l'Atelier de Restauration et de Conservation des Photographies de la Ville de Paris. La maison Fratelli Alinari utilise toujours la technique du calotype.


L'un des grands intérêts de l'exposition est aussi la contribution de Martin Becka, photographe contemporain qui a délaissé le journalisme pour se consacrer à la photographie d'art faite selon les procédés des années 1850. Il a d'ailleurs consacré un ouvrage à Le Gray. Un film le montre "sur les pas de Victor Regnault", prenant une vue du Jura comme son illustre prédécesseur l'avait fait à l'époque : cirage et sensibilisation du négatif ensuite installé dans un cadre, portage et installation sur place du pied et du lourd caisson de bois de la chambre noire, montage de l'objectif, insertion du cadre contenant le négatif, exposition pendant 30 minutes, retour au laboratoire pour révélation du négatif, tirage par contact sur papier salé (1 heure dans un cadre sous presse), virage à l'or et fixage. Après avoir vu ce film, on ne regarde plus les photographies de l'exposition avec le même oeil : pour chacune, on imagine les conditions de prise de vue, la longueur de l'exposition, la lenteur du tirage, l'excitation de la révélation. Le procédé si complexe devient intimement familier.


Le Petit Palais, édifice splendide construit pour l'exposition universelle de 1900 et entièrement rénové pour son centenaire, jusqu'aux mosaïques de son bassin extérieur et au fresques de ses galeries, est le lieu rêvé cette exposition.

Pour télécharger la présentation de l'exposition, cliquer ici.
Et voici une video où Susanna Gallego Cuesta, l'une des commissaires de l'exposition, en présente les grandes lignes.


En voici le lexique, extrait du dossier de presse "Eloge du négatif. Les débuts de la photographie sur papier en Italie, 1846-1862 du 18 février au 2 mai 2010" :



"LEXIQUE DES TERMES TECHNIQUES

Pour des explications plus approfondies, voir Vocabulaire technique de la photographie, sous la direction d’ Anne Cartier-Bresson, Paris, Marval/Paris musées, 2008

Calotype : négatif sur papier inventé par Fox Talbot en 1841 et utilisé jusque vers les années 1850-1860. Du grec kalos : beau, le calotype est l’ancêtre du négatif moderne.

Camera obscura : lorsque l’on perce un petit trou dans une chambre noire, le paysage qui est à l’extérieur se projette à l’envers sur la face opposée. C’est le principe même de l’appareil photographique. L’invention de la camera obscura ou « chambre noire » remonte au moins au XIVe siècle, elle était utilisée pour le dessin ; au XVIIIe siècle, il en existait de nombreux modèles plus ou moins perfectionnés.

Châssis-presse : cadre en bois destiné à maintenir en contact le négatif et le papier sensible pendant l’exposition à la lumière.

Collodion humide (procédé au) : procédé de prise de vue photographique sur plaque de verre. Les sels sensibles sont fixés sur le verre par du nitrate de cellulose, le développement doit être effectué tandis que le collodion est encore humide.

Daguerréotype : procédé de photographie en vogue entre 1839 et 1855. L’image est unique et réalisée sur une plaque de cuivre recouverte d’une couche d’argent.
Développement : en photographie, traitement chimique qui consiste à transformer une image latente (invisible) en image visible.

Epreuve : terme emprunté à l’estampe qui désigne les premiers tirages de la plaque gravée avant que l’artiste n’applique ses corrections définitives. Par extension, ce terme désigne également une estampe terminée. Par analogie avec l’estampe, la photographie utilise un vocabulaire similaire. L’épreuve photographique, qui ne devrait désigner qu’une forme intermédiaire de tirage permettant « d’éprouver » les possibilités offertes par le négatif, qualifie également le tirage définitif.

Fixage : traitement chimique destiné à éliminer les sels sensibles résiduels. Après le bain de fixation, l’image est stable et peut être observée à la lumière sans subir de modification.
Négatif : photographie dont l’échelle des valeurs est inversée par rapport à celle du sujet photographié.

Papier albuminé : procédé inventé par Blanquart-Evrard en 1850. Une feuille de papier est recouverte d’une couche d’albumine contenant du sel, puis sensibilisée par flottaison dans une solution de nitrate d’argent. Des sels photosensibles viennent se former dans la couche d’albumine. Après séchage, le tirage est fait par noircissement direct. L’image était généralement virée à l’or, puis fixée.

Papier salé : procédé photographique de tirage utilisé entre 1839 et 1850. L’image était obtenue par noircissement direct puis virée et fixée.

Tirage : opération consistant à produire une image positive à partir d’un négatif. Désigne également l’épreuve photographique ainsi obtenue.

Tirage contact : tirage obtenu en plaçant le négatif en contact direct avec la surface sensible. Un tirage contact a la même dimension que le négatif. Alors qu’au XIXe siècle la plupart des tirages était réalisée par contact, ce qui nécessitait des négatifs de grand format, aujourd’hui les planches contact ne sont utilisées que pour choisir le meilleur négatif susceptible d’être agrandi.

Virage : traitement chimique destiné à changer l’aspect visuel ou à améliorer la stabilité d’une photographie. L’argent est combiné à un autre composé comme l’or, le platine, le sélénium, le soufre, etc.

Extrait de Bertrand Lavédrine, (Re)Connaître et conserver les photographies anciennes."

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